Une étude du centre Sterne basé à New York a révélé que les travailleurs éthiopiens étaient les moins bien payés du secteur textile.
Dernièrement les multinationales ont posé leur dévolu sur le marché éthiopien.
Là-bas les travailleurs acceptent de travailler pour seulement 26 $ par mois. Avec un salaire mensuel aussi faible, l’Éthiopie est devenue le nouveau lieu de production de la mode rapide. Il y a également plusieurs facteurs qui ont favorisé l’implantation du marché là-bas. Premièrement le faible coût de la main-d’œuvre, mais aussi un accès commercial préférentiel pour distribuer les marchés américains et européens. Le tout est combiné a des incitations fiscales généreuses du gouvernement éthiopien. Enfin le tout est soutenu par un afflux d’investissements étrangers importants. Bien que le gouvernement est supervisé et mis en place des incitations pour attirer des investissements mondiaux pour le secteur textile cela ne s’est pas traduit par une prospérité pour les employés.
Les multinationales continuent dans leur quête des ouvriers les moins bien payés allant de délocalisation en délocalisation.
En raison de l’augmentation des salaires et de la progression des luttes ouvrières en Asie, un nombre croissant d’entreprises étrangères ont commencé à transférer leur production en Éthiopie.
Selon le directeur de l’usine Joseph Elisso, les conditions dans ce pays d’Afrique de l’Est sont beaucoup plus favorables. « L’Éthiopie est stable et paisible, l’électricité est bon marché et le coût de la main-d’œuvre est très bas », explique-t-il. Les salaires d’entrée des travailleurs de l’industrie textile éthiopienne varient de 26 à 40 dollars (23 à 37 euros) par mois. Ce qui est bien inférieur au salaire minimum de 68 dollars par mois du Bangladesh et de loin inférieurs au salaire moyen de 500 dollars dans le secteur textile chinois.
De plus, en Éthiopie il n’y a pas de salaire minimum.
Une particularité qui n’a pas échappé aux géants de l’industrie textile. De plus en raison du chômage élevé, les travailleurs sont souvent forcés d’accepter le salaire qui leur est offert.
Les bas salaires attirent les entreprises textiles internationales en Éthiopie.
Les bas salaires, le pouvoir bon marché et une situation politique stable ont incité des entreprises textiles étrangères à s’approvisionner en Éthiopie. C’est le cas entre autres de Guess, Tommy Hilfiger, Calvin Klein, H & M et Lévis.
Des multinationales aux larges profits, mais dont les employés sont les moins bien payés du secteur textile!
Cependant ces salaires de misère ne suffisent pas pour vivre décemment.
Mais, dans de nombreux cas, les travailleurs eux-mêmes ont du mal à joindre les deux bouts.
En effet, ces derniers ont du mal à épargner, à faire vivre leur famille, ou à se procurer des biens de première nécessité comme un logement ou de la nourriture. En effet les salaires sont si bas que les travailleuses ne parviennent même pas à en vivre.
Une femme éthiopienne coud dans une entreprise textile chinoise
Les machines à coudre cliquettent dans l’immense usine GG Super Garment à Debre Zeyit, à 45 kilomètres au sud-est d’Addis Abeba, la capitale éthiopienne. Des centaines de femmes et quelques hommes cousent des chemises et des T-shirts, destinés à la société suédoise H & M.
Bien que les travailleurs éthiopiens soient en général satisfaits de voir que l’augmentation des investissements étrangers crée des emplois, ils sont en revanche nombreux à ne pas parvenir à joindre les deux bouts.
« Je ne reçois que 850 birrs éthiopiens (environ 38 euros) par mois et j’ai du mal à couvrir toutes mes dépenses », dit Tigist Teshome. L’ouvrier de 23 ans, vit chez des amis pour partager les frais. « J’aimerais vivre seul, mais le loyer est déjà de 600 birrs. Comment vais-je faire pour payer la nourriture et les vêtements? demande-t-elle.
Les chaussures de Guess et Toms sont fabriqués par les quelque 4 000 ouvriers de l’usine de Huajian en Éthiopie.
À Duken, à environ une demi-heure de route de l’usine de vêtements Debre Zeyit, se trouve une grande usine de chaussures de la société chinoise Huajian. Environ 3 800 Éthiopiens et Éthiopiennes s’affairent à marteler des semelles de chaussures, à coudre des morceaux de cuir ensemble, à faire fonctionner des machines et à vérifier les produits finis. “L’ancien Premier ministre éthiopien Meles Zenawi nous a invités à installer une usine en Éthiopie parce que le taux d’emploi est très bas et parce qu’ils ont donc besoin d’une industrie qui répond à la pénurie de travail”, dit Song Yiping, directeur chez Huajian.
La société prévoit de produire 2 millions de paires de chaussures cette année, principalement pour des clients américains et européens comme Guess, Naturalizer et Toms. L’Éthiopie possède l’un des plus grands troupeaux de bovins d’Afrique et le cuir est largement disponible dans le pays. L’entreprise prévoit d’accroître sa production, afin d’augmenter le nombre d’employés du secteur.
Bien que Huajian ait créé de nombreux emplois dans le secteur, les employés de l’entreprise se plaignent que leurs salaires sont trop bas.
“Mon salaire de base n’est que de 600 birrs (26 euros) et seulement quand je travaille 10 heures au lieu de 8 heures par jour, je touche 750 birrs (32 euros) par mois, ce qui ne suffit toujours pas. Mon loyer à lui seul est déjà de 400 birrs”, dit Abu Ibrahim, un coupeur de cuir de 24 ans. “De plus, nos patrons chinois nous crient dessus en chinois tout le temps et parfois nous ne sommes même pas autorisés à aller aux toilettes”, ajoute-t-il.
Un t-shirt H&M made in Ethiopia
Le géant de l’habillement H & M est l’une des entreprises qui produit ses vêtements en Éthiopie.
Manager Song, cependant, dit que la faible rémunération reflète aussi la faible qualité du travail. “Le manque de compétences des travailleurs a eu un impact sur la qualité. Beaucoup de chaussures ont été rejetées par nos clients et nous avons dû payer 4,5 millions d’euros à titre de compensation au cours des deux premières années”, déclare Song.
Mais ce n’est pas tout! Les employés éthiopiens sont également soumis, à des exercices militaires chinois.
La société Huajian, fondée en Chine dans les années 1980 par l’ancien officier militaire Zhang Huarong, a également adopté une méthode assez inhabituelle pour motiver son personnel. Tous les jours, tous les travailleurs doivent faire la queue sur le stationnement devant l’usine pour effectuer un exercice militaire. Les ouvriers marchent, crient, et saluent leurs responsables. “Dans l’armée, ils marchent pour être disciplinés et obéir aux ordres. Nous voulons créer le même effet”, déclare Zeng Lizhuo, responsable des ressources humaines.
Tous les travailleurs n’apprécient pas les conditions de vie induites par l’emploi
“Je dois marcher de longues distances pour aller chercher de l’eau, cela me contraint à faire encore de l’exercice physique en parallèle de mon emploi déjà demandant”, dit Abebeye Makonen, un travailleur de 25 ans. Il déclare aussi détester le “chant huaient” que les ouvriers sont obligés de chanter en mandarin pendant l’exercice quotidien.
Les travailleurs ont trop peur de fonder un syndicat.
Au-delà des faibles salaires, le pays est très peu syndiqué.
Bien que la constitution éthiopienne garantisse aux travailleurs le droit de former des syndicats, la plupart des usines, y compris Huajian, ne disposent pas de syndicats.
À Huajian, les travailleurs qui ont tenté de créer un syndicat ont été licenciés, selon Abu Ibrahim. “Il y avait quelques employés qui ont essayé de fonder un syndicat, mais quand ils ont collecté de l’argent pour cela, Huajian les a licenciés. Maintenant, tout le monde a trop peur pour fonder un syndicat”, dit le tailleur de cuir.
Ainsi les employés ne peuvent pas s’organiser pour faire entendre leurs doléances. Avec de telles conditions de travail, la démotivation des employés est grande. L’absentéisme aussi. Et les arrêts de travail sont nombreux. En moyenne les employés ne restent pas plus d’un an dans la manufacture.
La façon dont les travailleurs sont traités à l’usine de Huajian n’est pas inhabituelle.
Environ 75 pour cent de toutes les entreprises éthiopiennes refusent toujours d’autoriser les syndicats, selon Angesom Yohannes, de la Fédération industrielle des syndicats éthiopiens du textile. “La plupart des propriétaires, en particulier les Chinois, ne veulent pas d’un syndicat parce qu’ils savent que la prochaine étape sera la négociation collective et que certains avantages seront retirés au propriétaire ou à l’usine”, ajoute Yohannes.
Angesom Yohannes et ses collègues de la Fédération industrielle des syndicats éthiopiens du textile négocient néanmoins avec les usines dans le but d’obtenir de meilleurs salaires pour les travailleurs et les travailleuses. Parfois, grâce à leur pugnacité ils arrivent à améliorer les conditions des travailleurs. En effet, après trois ans de négociations, ils ont obtenu une augmentation de salaire de 25 % dans le cadre d’une convention collective avec l’usine turque Ayka, qui emploie 7.000 Éthiopiens.
Plus de pression de l’extérieur pour faire bouger les choses.
Cependant, le syndicat Fédération industrielle des syndicats éthiopiens du textile ne compte que cinq employés à temps plein. Ainsi ils n’ont pas la main-d’œuvre et le poids politique nécessaire pour faire pression sur les entreprises. Mais Angesom Yohannes affirme que les pressions exercées par les clients à l’étranger sont efficaces. Ce fut le cas pour Tchibo, par exemple. Il espère que H&M feront également pression sur GG Super Garment pour augmenter les salaires des travailleurs.
Dereje Feyissa Dori, professeur de recherche à l’International Law and Policy Institute d’Addis-Abeba, estime que l’Éthiopie ne deviendra pas un deuxième Bangladesh, avec des conditions de travail dangereuses.
Les usines ne sont pas installées dans des immeubles délabrés comme en Asie, mais dans de grands halls de production. Dereje Feyissa Dori pense que l’attitude laxiste de l’Éthiopie à l’égard des investisseurs étrangers ne durera pas. “Le gouvernement cherche désespérément à attirer les investissements étrangers. Il ne veut pas effrayer ou chasser les investisseurs en imposant trop de conditions. Il se montre indulgent mais il deviendra plus stricte dans quelques années” , dit Dereje Feyissa Dori.
En revanche les travailleurs d’usines éthiopiennes ne sont pas aussi optimistes que Dereje Feyissa Dori quant à l’avenir.
Selon eux les conditions de travail à Huajian se détériorent. “Au début, on nous accordait deux pauses par jour. Maintenant nous avons seulement une seule pause. Alors que nous devons travailler 10 heures par jour”, dit Abu Ibrahim le tailleur de cuir. Selon lui “les politiciens sont satisfaits de tous les investissements. C’est pourquoi pour stimuler la croissance, ils choisiront toujours de se ranger du côté des entreprises étrangères.”
Alors l’Éthiopie serait-elle en train de devenir le nouveau Bangladesh?
Source : https://www.dw.com/en/low-wages-draw-international-textile-companies-to-ethiopia/a-18877027
Fondatrice & Directrice artistique Voyageuse, curieuse, ses inspirations graphiques viennent du bout du monde ou du coin de la rue.