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Le réemploi, une nouvelle tendance ?

Dans le domaine culinaire, comme le montre la multitude de plats à base de restes, nombre de cultures prônent depuis des lustres le réemploi. Il suffit de penser à la paella en Espagne, au minestrone en Italie, ou encore au bubble & squeak au Royaume-Uni, à base de légumes frits et de rôti du dimanche. Et parmi toutes les références esthétiques et culturelles autour de nous, nombreuses sont celles qui reposent sur ce même concept.

Souvenez-vous de la dernière fois que vous êtes allé déjeuner ou dîner dans un restaurant branché ; je parie que le recyclage était de rigueur. Car dans les chaînes comme dans les restaurants gastronomiques, vaisselle dépareillée sur des tables fabriquées avec des planches ou cocktails servis dans des pots de confiture sont des pratiques courantes.

Dans le monde trépidant qui est le nôtre, et dans lequel notre culture valorise plus le neuf que le vieux, apprécier ce qui est brut et rapiécé peut parfois être considéré comme une mode passagère et non comme une philosophie de vie. Or le fait que nous nous entourons de choses usées et réparées est important, car cela prouve que nous nous sentons bien dans cet environnement et que nous lui donnons un sens. Partout, le vieux est remis à l’honneur, que ce soit chez soi lorsqu’on opte pour un intérieur « décontracté chic », dans les magasins de nos villes ou dans les vêtements usagés que nous portons, comme les jeans déchirés par exemple (j’y reviendrai plus en détail).

La philosophie japonaise du réemploi

L’un des premiers et des plus illustres antécédents de cette culture du réemploi est la philosophie japonaise née au xive siècle, connue sous le nom de wabi-sabi, wabi signifiant « pauvreté » et sabi « solitude ».
Si les objets appartenant aux classes les plus pauvres y sont glorifiés, le concept repose sur la richesse et l’abondance avec une mise en valeur des imperfections et de la fragilité de chaque objet, reflets d’une différence, non d’une infériorité.

Du wabi-sabi sont nées deux techniques : d’une part le kintsugi, l’art de réparer la vaisselle cassée avec un amalgame à base d’or pour souligner et donner un aspect plus romantique aux cassures, d’autre part le boro, patchwork confectionné avec des chutes de kimonos (les kimonos étaient teintés avec de l’indigo, un colorant onéreux, et de ce fait, malgré leur usure normale, les chutes étaient un bien trop précieux pour être mises au rebut).

Le kintsugi est méthode de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or.

Le terme « kintsugi » signifie littéralement « jointure en or », tandis que « kintsukuroi » se traduit par « réparation en or ». Cette technique repose sur l’idée que les objets réparés deviennent encore plus beaux et précieux grâce à leurs cicatrices dorées. Au-delà de sa fonction utilitaire, le kintsugi est une véritable forme d’art, une célébration de l’imperfection et de la résilience. En réparant les objets brisés avec de l’or, les artisans japonais transforment les accidents. Les fissures en lignes dorées racontent l’histoire de l’objet et de ceux qui l’ont utilisé. Le kintsugi nous rappelle que nos cicatrices ne sont pas des marques de honte. Au contraire, ce sont des témoignages de notre force et de notre capacité à surmonter les épreuves.

Le boro est un art qui incarne l’essence même de la philosophie du réemploi.

Le boro consiste à réparer des vêtements usés en ajoutant des petits morceaux de tissu par-dessus les zones endommagées. Ces morceaux de tissu sont souvent découpés dans d’autres vêtements usagés. Cela permet ainsi de créer un patchwork unique et évocateur.

Ce qui rend le boro si spécial, c’est sa capacité à transformer quelque chose d’ordinaire en quelque chose de sublime. Chaque morceau de tissu ajouté raconte une histoire, évoquant les nombreuses vies et aventures du vêtement. Le boro n’est pas seulement une manière pratique de prolonger la durée de vie des vêtements ; c’est aussi une forme d’expression artistique, une célébration de l’imperfection et de la beauté du temps qui passe.

D’ailleurs, aujourd’hui, le boro est un tissu tendance. En effet, il vous suffit d’aller sur Google pour en comprendre la raison. Le boro ressemble à s’y méprendre à de la toile denim usagée et rapiécée, très tendance.

Le quilting : une tradition qui revient

Le quilting trouve ses racines dans les pratiques artisanales ancestrales, où les femmes se réunissaient pour créer des couvertures chaudes à partir de vieux vêtements et de chutes de tissu. Ces couvertures, souvent composées de morceaux de tissu récupérés, étaient à la fois fonctionnelles et esthétiques, offrant chaleur et confort tout en racontant une histoire à travers leurs motifs et leurs couleurs. Aujourd’hui, le quilting reste une pratique populaire dans de nombreuses cultures à travers le monde. Des amateurs de tout âge et de tout niveau de compétence se lancent dans la création de courtepointes, de coussins, de sacs et d’autres objets décoratifs à partir de vieux vêtements, de draps usés et de chutes de tissu. Cette tradition vivante continue de célébrer la beauté de l’imperfection et de la créativité.

Le quilting offre une opportunité unique de donner une nouvelle vie à des tissus usés et oubliés. Au lieu de jeter ces vieux vêtements ou ces chutes de tissu, les quilters les transforment en œuvres d’art. Chaque morceau de tissu raconte une histoire, évoquant les souvenirs et les expériences de celui qui l’a porté ou utilisé.

Le réemploi, une tendance en essor

Le réemploi prend actuellement une place prépondérante dans l’industrie de la mode. Lors des défilés, on observe de plus en plus la présence du style « recyclé », tandis que sur Internet, les combinaisons de vêtements vifs, éclectiques et colorés captivent l’attention et insufflent un vent de fraîcheur, contrastant avec le minimalisme des tons sombres. Certains créateurs ne voient dans cette esthétique qu’une référence visuelle en phase avec l’air du temps, tandis que pour d’autres, c’est un moyen d’exprimer leur créativité et de mettre en avant des valeurs significatives, telles que la nécessité de ralentir la machine économique ou de s’opposer à la consommation de masse.

Une esthétique porteuse de sens

Cette esthétique peut parfois sembler énigmatique pour la plupart des consommateurs, bien loin du message percutant de certains slogans arborés sur des T-shirts, comme ceux conçus par Katharine Hamnett. Cependant, adopter un vêtement fabriqué à partir d’autres pièces est bien plus qu’une simple mode : c’est une manière de lutter contre le gaspillage tout en exprimant ses convictions.

Face à la production annuelle de plusieurs milliards de vêtements, l’adoption d’une approche axée sur le « prendre soin, porter à nouveau et réparer » apparaît comme la véritable alternative. Opter pour des vêtements recyclés ou soutenir des marques engagées dans le réemploi permet de réduire notre empreinte écologique tout en affirmant notre engagement en faveur d’une mode éthique et responsable.

Alors, la prochaine fois que vous aurez envie de jeter quelque chose de vieux ou de cassé, prenez un moment pour réfléchir à toutes les possibilités qui s’offrent à vous.

En conclusion, le réemploi est une philosophie de vie qui nous invite à reconsidérer notre rapport au monde et aux objets qui nous entourent.

Le réemploi dans le monde de la mode n’est pas uniquement une tendance esthétique, mais également une déclaration de principes. Il témoigne de notre souci pour l’environnement, de notre appréciation de la créativité et de notre refus de céder à une culture de la consommation rapide. En embrassant le réemploi, nous contribuons non seulement à façonner un style unique, mais aussi à œuvrer pour un avenir plus durable et équitable pour tous.

En valorisant ce qui est vieux et rapiécé, nous honorons l’histoire et la tradition, tout en affirmant notre individualité et notre créativité. Alors, la prochaine fois que vous vous retrouvez face à un objet usé ou cassé, ne le jetez pas si vite. Prenez le temps de réfléchir à la manière dont vous pourriez lui donner une seconde vie, et peut-être découvrirez-vous alors toute la richesse cachée dans le réemploi.

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