La quête du plaisir, de la jouissance et du bonheur est une préoccupation universelle et intemporelle. Dans nos sociétés modernes, où la consommation et le divertissement sont souvent valorisés, il est essentiel de comprendre la nature de ces concepts et leurs interrelations. En analysant ces notions, nous pourrons mieux appréhender les dynamiques qui régissent notre vie émotionnelle et psychologique, ainsi que la façon dont elles influencent notre quête du bonheur.
Plaisir : une expérience éphémère
Selon le dictionnaire Le Robert, le plaisir est défini comme une « sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d’une tendance, d’un besoin, à l’exercice harmonieux des activités vitales ». Cette définition souligne que le plaisir est intimement lié à des sensations physiques et émotionnelles, souvent accompagnées de modifications physiologiques, telles qu’une augmentation de la fréquence cardiaque ou la sécrétion d’hormones. Toutefois, le plaisir est un état transitoire ; il ne peut pas être vécu indéfiniment.
Le plaisir peut surgir spontanément, mais il est généralement le résultat d’un désir. Lorsqu’une personne ressent un besoin ou un manque, elle est souvent motivée à chercher à le combler. Plus le besoin est intense, plus le plaisir éprouvé est fort. Ainsi, le plaisir et l’attente sont étroitement liés. Même dans le cadre d’activités vitales exercées harmonieusement, la personne qui ressent du plaisir le fait en comparaison avec d’autres moments où ces activités ne se déroulaient pas aussi bien.
La quête de la jouissance
La jouissance, quant à elle, désigne le fait de tirer plaisir ou de profiter de quelque chose. Dans notre société de consommation, la jouissance est souvent associée à la possession de biens matériels. Les individus valorisent ainsi cette jouissance, considérant que la capacité de consommer et d’accéder à des plaisirs matériels est un indicateur de succès. En effet, être capable d’acheter tout ce que l’on désire semble, pour beaucoup, être synonyme de bonheur.
Cependant, il est crucial de reconnaître que le bonheur ne découle ni de la consommation ni des plaisirs éphémères qu’elle procure. Les plaisirs corporels, matériels et éphémères peuvent s’émousser rapidement lorsque l’on en fait sa seule préoccupation. Pour maintenir l’intérêt, l’individu peut se voir contraint d’entrer dans une spirale sans fin, cherchant sans cesse des plaisirs nouveaux et toujours plus intenses. Cette quête peut conduire à des situations désastreuses, tant sur le plan émotionnel que matériel.
Bonheur : une quête intérieure
À la différence du plaisir, le bonheur est défini par Le Robert comme un « état de la conscience pleinement satisfaite ». Alors que le plaisir résulte de satisfactions physiques ou émotionnelles, le bonheur se situe au niveau de l’esprit, de la conscience. C’est un état qui s’atteint à travers un travail intérieur et une évolution personnelle. Le bonheur ne dépend ni des circonstances extérieures ni de la chance, mais résulte d’une attitude intérieure permettant de transformer les événements de la vie en sources de joie et d’épanouissement.
Le bonheur est ancré en nous. Il ne s’agit pas simplement d’une question de volonté, mais de perspective. Lorsque nous sommes en harmonie avec nous-mêmes, les autres et la nature, chaque expérience prend une signification différente. Bien sûr, des événements tragiques, comme la perte d’un être cher ou un échec, peuvent survenir. Toutefois, une personne fondamentalement heureuse saura puiser en elle la force d’accepter et de surmonter ces épreuves, transformant même la souffrance en leçon de vie.
Plaisir versus bonheur
Le bonheur permet d’accueillir le plaisir, mais il ne s’en nourrit pas. En effet, la recherche de plaisir peut souvent se traduire par une volonté de satisfaire l’ego, tandis que le bonheur invite à transcender cet ego. Les personnes qui éprouvent le bonheur peuvent jouir des plaisirs de la vie, mais leur état de bonheur ne dépend pas de ces plaisirs. Ainsi, les circonstances extérieures ne peuvent pas les priver de leur bonheur.
Au cœur du bonheur se trouve la notion de sécurité. L’insécurité, qu’elle soit financière, émotionnelle ou sociale, engendre la peur et l’anxiété, rendant fragiles tous les moments de la vie. Beaucoup de personnes, dans leur quête du bonheur, cherchent à assurer leur sécurité par l’accumulation de biens matériels et d’argent. Cependant, rien de ce que nous possédons n’est totalement à l’abri des aléas de la vie ; la maladie, une crise économique ou un conflit peuvent nous faire tout perdre. La véritable sécurité ne peut être trouvée que sur le plan spirituel, dans une acceptation profonde de la vie.
La quête spirituelle
Depuis l’aube de l’humanité, les religions ont occupé une place centrale dans la quête du bonheur. Même dans notre ère matérialiste, des millions de personnes se tournent vers les religions, cherchant une sécurité qui leur permettrait d’atteindre le bonheur. Les enseignements religieux, dans leur essence, offrent des clés pour accéder à cette sécurité. Pourtant, souvent, leur message originel est dilué dans des rites, des prescriptions et des dogmes, ce qui empêche de nombreux croyants de percevoir la profondeur de leur enseignement.
Il est impératif que chacun suive son propre chemin pour découvrir la vérité qui lui apportera cette sécurité. En explorant diverses voies religieuses ou philosophiques, chacun peut élargir sa perspective. Personnellement, après un long cheminement dans le christianisme, j’ai trouvé dans les écrits bouddhistes des enseignements qui résonnent profondément en moi.
Le concept de l’Absolu
Toutes les religions évoquent l’existence d’un principe supérieur, à partir duquel émerge le monde tel que nous le connaissons. Les représentations anthropomorphiques de Dieu, souvent trop simplistes, obscurcissent davantage qu’elles n’éclairent. Comment imaginer un être parfait qui accepterait l’injustice, la laideur et la cruauté présentes dans sa création ? Si Dieu permet de telles réalités, est-ce vraiment un Dieu bon ? En réalité, Dieu n’est pas concerné par chaque événement de l’évolution du monde. Dieu est la Vie elle-même, qui se construit constamment à partir de ses divers éléments, se détruisant et se recomposant indéfiniment.
L’idée de l’Absolu, du Tout, est fondamentale. Chacun d’entre nous n’est qu’une infime partie de cet Absolu. Bien qu’aucune partie ne soit essentielle en soi, il est indispensable que ces parties existent pour que le tout puisse être. Chaque individu a sa place et son rôle à jouer dans l’univers, contribuant ainsi à son évolution.
Accepter son rôle
Nous éprouvons souvent des difficultés à trouver notre place dans cet univers, car nous avons du mal à accepter notre rôle naturel et modeste. Notre désir d’exister de manière autonome nous pousse à développer notre ego. Cependant, cette quête d’autonomie est contre-nature et ne peut mener qu’à l’échec. Tant que nous ne renonçons pas à cet ego, tant que nous ne nous abandonnons pas avec confiance à l’univers, nous restons dans une insécurité permanente et ne parvenons pas à accéder au bonheur authentique.
Les enseignements des sages à travers les âges convergent vers un même message : le don de soi, le non-attachement et l’abandon à l’Absolu. La foi qui est prescrite par les religions n’est rien d’autre qu’une confiance profonde dans cette relation entre notre moi et l’univers. Cette confiance nous permet de nous ouvrir aux autres et au monde qui nous entoure.
Le don de soi et le bonheur
La nécessité d’un engagement altruiste
Pour trouver le bonheur, il est essentiel de dépasser la recherche égocentrique de satisfaction personnelle.
Ceux qui s’engagent véritablement dans un cheminement spirituel ou humanitaire comprennent qu’ils sont intégrés dans un tout plus vaste. Loin de se replier sur eux-mêmes, ils s’efforcent de servir autrui. Cette démarche crée un lien profond avec le monde et avec les autres.
Les valeurs d’amour, de compassion, de générosité et d’humilité sont au cœur de ce renoncement à soi. Dans un monde marqué par les injustices et les souffrances humaines, les occasions de se dévouer au bien commun sont nombreuses. Chaque geste compte. Chaque acte de gentillesse et chaque effort pour améliorer la vie des autres contribuent à un environnement plus harmonieux. Cela favorise aussi notre propre bonheur.
Comment découvrir son rôle
Mais comment savoir quel rôle nous avons à jouer dans ce vaste univers ?
Attendre un appel clair ou une vocation précise peut mener à la déception. Au contraire, il est important de se lancer dans l’action sans se fixer des objectifs trop rigides.
Comme l’a souligné Gandhi, « ce n’est pas la fin qui importe, mais les moyens employés pour y parvenir ». Travailler à des objectifs précis peut parfois mener à la désillusion si nous ne les atteignons pas, alors que notre contribution peut tout de même faire avancer les choses, même de manière imperceptible.
Ce qui importe, c’est de rester ouvert et flexible, d’accepter que notre travail puisse porter ses fruits de manière inattendue. Nous avons souvent une vision limitée de la réalité, et il est difficile de juger des conséquences de nos actions. En luttant contre une injustice, nous pourrions ne pas obtenir les résultats escomptés, mais qui sait si notre action n’a pas semé des graines de changement chez une autre personne, qui, plus tard, agira de manière significative ?
Suivre sa voix intérieure
Gandhi faisait confiance à sa voix intérieure pour prendre ses décisions.
Cette voix, qui peut être perçue comme une manifestation de notre connexion avec le Divin ou l’Univers, est souvent étouffée par le bruit de notre vie moderne et par les désirs de notre ego.
Pour entendre cette voix, il est essentiel d’investir du temps et de la discipline dans notre quête intérieure. Les philosophies orientales offrent de nombreuses techniques, comme le yoga ou le zazen, qui permettent de faciliter ce dialogue avec soi-même.
Chaque action que nous entreprenons devrait être remise en question. Swami Rama, un enseignant spirituel, proposait un critère simple : une voie qui ne parvient pas à apporter paix et harmonie dans la vie de la personne et de sa communauté n’est pas une bonne voie. La voie du devoir, loin d’être synonyme de tristesse, est une opportunité de vivre pleinement en s’engageant envers les autres.
Le bonheur face à la tristesse
Il n’élimine pas la tristesse.
Le bonheur et la tristesse sont souvent perçus comme des états d’esprit opposés. Mais en réalité, ils coexistent fréquemment. En effet, le bonheur ne fait pas disparaître la tristesse ; au contraire, il peut exister en parallèle avec elle.
La tristesse comme reflet de la compassion
Les personnes qui cultivent la compassion sont particulièrement sensibles aux injustices et aux souffrances qui les entourent. Cette sensibilité peut engendrer une tristesse profonde face à la douleur des autres, aux inégalités et aux tragédies de la vie. Cependant, cette tristesse n’est pas nécessairement négative ; elle peut être le moteur d’un engagement vers un changement positif. En reconnaissant la souffrance du monde, nous sommes incités à agir, à apporter notre aide et à contribuer à l’amélioration de la condition humaine.
Cette dynamique nous rappelle que le bonheur authentique ne se limite pas à la recherche de plaisirs ou de satisfaction personnelle. Au contraire, il peut être enrichi par notre capacité à ressentir de l’empathie. Ainsi, en acceptant que la tristesse fasse partie de notre vie, nous élargissons notre compréhension des émotions humaines et de notre propre existence.
En fin de compte, le bonheur ne se définit pas simplement par l’absence de tristesse, mais par notre capacité à embrasser toutes les facettes de notre existence. En cultivant la compassion, en acceptant la tristesse et en nous engageant envers le bien-être des autres, nous trouvons une joie durable qui ne dépend pas des circonstances extérieures. Ce bonheur, profond et résilient, est une source d’énergie pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent.
Plaisir et bonheur : une relation paradoxale
La recherche du plaisir
La recherche incessante du plaisir est souvent considérée comme un moyen d’atteindre le bonheur. Pourtant, il existe une différence fondamentale entre chercher le bonheur à travers le plaisir et éprouver du plaisir en étant déjà heureux. Un texte bouddhiste du XVIIe siècle affirme : « Tous ceux qui sont malheureux le sont parce qu’ils ont recherché leur propre bonheur ; tous ceux qui sont heureux le sont parce qu’ils ont recherché le bonheur des autres. » Plus nous nous concentrons sur notre propre plaisir, plus nous devenons égocentriques et nous éloignons du véritable bonheur.
Ce paradoxe du bonheur réside dans le fait que plus nous le poursuivons, plus il semble nous échapper. Cette apparente contradiction découle d’une incompréhension de la nature humaine. L’être humain, bien qu’en apparence individu, est en réalité une partie d’un tout plus vaste. Lorsque nous oublions cette vérité et tentons de nous épanouir seuls, nous échouons.
L’importance de l’abandon et du détachement
L’abandon à l’univers et le détachement ne signifient pas renoncer à vivre dans le monde physique. Au contraire, il est essentiel de s’insérer harmonieusement dans celui-ci pour pouvoir agir efficacement. Pour diffuser l’harmonie et le bonheur, il est crucial de les vivre soi-même.
Nous avons le droit d’apprécier les plaisirs de la vie, mais il est essentiel de distinguer entre l’appréciation et l’accroche. Le non-attachement permet de savourer les expériences sans en devenir dépendant. Comme le souligne Arnaud Desjardins, « Tant que nous savons plus ou moins que notre joie dépend de quelque chose d’extérieur qui peut nous être enlevé, cela ne sera jamais une joie parfaite. » . La joie réside dans l’être plutôt que dans l’avoir.
Vers un bonheur authentique
En somme, la recherche du plaisir ne doit pas nous détourner de la quête du bonheur. Le bonheur authentique émerge de notre capacité à nous connecter à nous-mêmes, aux autres et à l’univers dans son ensemble. C’est un état d’être qui découle de la générosité, de l’amour et de la compassion, non d’une simple accumulation de plaisirs matériels.
La sagesse des enseignements nous rappelle qu’en nous détachant de notre ego et en servant les autres, nous pouvons découvrir ce que signifie être heureux.
Alors, au lieu de chercher désespérément le bonheur à travers le plaisir, embrassons notre rôle dans ce vaste tableau qu’est la vie. En cultivant l’amour, la générosité et la compassion, nous pouvons non seulement atteindre notre propre bonheur, mais aussi apporter la joie aux autres et, en fin de compte, contribuer à un monde meilleur.
Le chemin vers le bonheur est une aventure personnelle, qui demande une réflexion et un engagement.
Fondatrice & Directrice artistique Voyageuse, curieuse, ses inspirations graphiques viennent du bout du monde ou du coin de la rue.