Je suis désolée.
Chaque année, en octobre, on voit des rubans, des slogans, des campagnes de mobilisation.
On nous dit : « Une femme sur huit sera concernée par un cancer du sein dans sa vie ».
On nous dit aussi : « Faites-vous dépister ».
On nous dit également : « Le dépistage sauve des vies ».
Et c’est vrai.
Détecter tôt permet de mieux soigner.
Mais dépister, ce n’est pas comprendre.
Dépister, ce n’est pas prévenir.
Car la question demeure entière :
pourquoi tant de cancers du sein ?
Pourquoi la France détient-elle ce triste palmarès :
le pays au monde où l’incidence du cancer du sein est la plus élevée ?
Triste trophée.
Triste médaille.
Et pourtant, plus d’un cas sur deux reste une énigme.
Pas de cause précise, pas de certitude, pas de responsable.
On met la responsabilité sur les femmes :
dépistez-vous, surveillez-vous, prenez soin de vous.
Comme si la charge ne suffisait pas déjà.
Comme si le problème, c’était leur corps,
et pas l’air qu’elles respirent,
l’eau qu’elles boivent,
la nourriture qu’elles avalent.
On leur demande d’être vigilantes,
mais qui demande des comptes aux industries ?
Aux politiques ?
Aux pollueurs ?
Alors ?
On se tait ?
On ferme les yeux ?
Ou on ose enfin poser la vraie question :
d’où vient ce danger ?
De nos plastiques saturés de perturbateurs endocriniens ?
De nos champs noyés de pesticides ?
De nos villes empoisonnées au dioxyde d’azote ?
De cette économie qui, chaque jour,
fabrique des cancers à la chaîne
pendant que l’on distribue des rubans roses ?
À Paris, une femme sur huit n’est pas seulement une statistique,
elle porte un sur-risque de 15 % de cancer du sein.
Un hasard ?
Ou l’effet d’un cocktail toxique que l’on respire chaque jour ?
En 2022, la moyenne de dioxyde d’azote atteignait 51 µg/m³.
Cinq fois plus que la limite recommandée par l’OMS.
Cinq fois trop pour nos poumons.
Et l’on s’étonne que la santé vacille ?
Le cancer du sein a doublé en 30 ans.
Deux fois plus de vies bouleversées.
Deux fois plus de familles frappées.
Le CIRC prévient :
d’ici 2050, l’incidence mondiale pourrait exploser de +77 %.
Et en France ?
Si rien ne bouge,
ce seront 75 000 nouveaux cas par an,
et plus de 20 000 décès.
Est-ce cela, notre avenir ?
Une fatalité mathématique,
un calcul froid,
une équation sans issue ?
Ou bien avons-nous encore le choix
de dévier cette trajectoire ?
On nous dit d’aller faire une mammographie,
mais qui nous dit d’aller chercher les causes ?
Qui nous protège,
en amont,
avant que la tumeur ne vienne frapper ?
Octobre rose, c’est bien,
mais octobre rose ne suffit pas.
Parce que le ruban, aussi joli soit-il,
ne filtre pas l’air que l’on respire.
Parce que la mammographie, aussi utile soit-elle,
n’efface pas le poison disséminé dans nos sols, nos aliments, nos quotidiens.
Dépister, c’est indispensable.
Mais prévenir,
c’est vital.
Et la prévention ne peut pas s’arrêter à une invitation dans nos boîtes aux lettres.
Elle doit être politique.
Elle doit être collective.
Elle doit être courageuse.
Il ne s’agit pas seulement d’accompagner les malades,
mais d’interroger nos modes de vie,
nos systèmes de production,
les choix que l’on impose à nos corps.
Alors oui, faisons-nous dépister.
Oui, soutenons la recherche, les associations, les malades.
Mais ne nous contentons pas d’un mois rose.
Demandons aussi des réponses.
Exigeons des comptes.
Parce que derrière les chiffres,
il y a des vies.
Parce qu’un cancer du sein,
ça ne devrait pas être une fatalité géographique.
Alors, octobre rose, d’accord. Mais ça ne suffit pas.
Parce que le cancer du sein n’attend pas le mois d’octobre pour frapper.
Parce que les causes, elles, ne se mettent pas en pause au 1er novembre.
Alors que novembre, décembre, janvier soient aussi des mois de lucidité.
Nous n’avons plus le luxe de rester passifs, à colorier la douleur en rose pendant que le poison, lui, reste invisible.
Il est temps d’exiger autre chose qu’un ruban :
des lois qui protègent nos corps,
des politiques qui assainissent l’air que l’on respire,
l’eau que l’on boit,
la nourriture que l’on partage.
Il est temps de pointer les vrais responsables,
de réduire l’exposition aux toxiques,
de mettre la santé avant les profits.
Ce combat ne doit pas être seulement médical.
Il doit être écologique, social, politique.
Parce qu’un cancer du sein n’est pas qu’une affaire de dépistage,
c’est une affaire de justice.
Alors relevons la tête.
Dépassons les slogans.
Et transformons la couleur rose en couleur de révolte.
Parce que sauver des vies,
ça ne se fait pas seulement avec des mammographies.
Ça se fait avec du courage politique.
Dépistage, oui. Mais pourquoi le cancer du sein progresse-t-il autant en France ? Pollution, perturbateurs endocriniens, alimentation : et si Octobre Rose posait enfin la question des causes ?
Fondatrice & Directrice artistique Voyageuse, curieuse, ses inspirations graphiques viennent du bout du monde ou du coin de la rue.